de Concessions Intimes

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CHAPITRE 1 – L’escalade

1.

Bernard arrange gentiment sa garçonnière, guilleret et sifflotant. C’est un petit appartement au second étage, tout simple ; on est dans la pièce principale, arrangée pour les aventures amoureuses : un grand lit à couverture roses froufrouteuses dont la tête représente un énorme cœur rose. Les couvertures sont pour défaites pour le moment. Une porte en fond de scène donne sur l’escalier. Une autre à droite donne sur la cuisine et une dernière à gauche donne sur la salle de bain/toilettes. Quelques accessoires ou meubles – un guéridon avec des fleurs ou une lampe en forme de… sexe, cœur, quelque chose qui rappelle encore une fois le but du lieu. Mais très peu de choses, l’appartement ne sert qu’à ça…
On frappe. Bernard regarde sa montre.


Bernard : Déjà ? Elle est bien pressée, la gourmande…


Il est à quelques pas de la porte. Il s’en approche en jouant à l’animal en rut, répétant : « Oh ! Mon amour… Mon amour, mon amour, mon amour ! ». Il ouvre, c’est Sophie.


Bernard : Oh ! Mon aaaaaaaaaaaaah !!!

Sophie : Non, mais ça va pas d’hurler comme ça !

Bernard : Excusez-moi, ce n’est pas vous que j’attendais…

Sophie : Ben si c’est comme ça que vous comptez accueillir la personne que vous attendez, je vous déconseille…

Bernard : Oui, bon, ça va…

Sophie : Parce que ça va lui faire un choc…

Bernard : J’ai compris.

Sophie : Moi-même, j’ai du mal à m’en remettre…

Bernard : Bon. Qu’est-ce qui vous amène ?

Sophie : Ben ! Le ménage, tiens…

Bernard : Comment ça, le ménage ?

Sophie : Ben j’ai pas eu le temps de passer aujourd’hui, alors je passe ce soir…

Bernard : Ah ! Oui, mais c’est que ça ne m’arrange pas du tout, moi !

Sophie : Eeeeeeh… Je peux pas faire autrement… Z’avez qu’à vous mettre dans un coin.

Bernard : Non, non, non, j’attends du monde moi, ce soir.

Sophie : Beaucoup de monde ?

Bernard : Qu’est-ce que ça peut vous faire ?

Sophie : Ben si c’est qu’une personne, vous vous mettrez dans un coin…

Bernard : Oui, ben c’est une personne, mais j’ai besoin de tous mes coins.

Sophie : Même si y’en a plusieurs… Je peux slalomer avec mon aspirateur…

Bernard : N’insistez pas, repassez plus tard.

Sophie : Ben oui, mais quand ?

Bernard : Demain, là !

Sophie : Ah ! Bon…

Bernard : Oui.

Sophie : Pas ce soir?

Bernard : Non, pas ce soir.

Sophie : Bon…


Sophie s’en va.

Il est à trois mètres de la porte environ ; il va faire trois pas pour l’ouvrir, s’arrêtant à chaque fois « Bonsoir, mon amour… », comme s’il répétait un rôle de séducteur, à la fois crooner et ridicule. Arrivé à la porte, il l’ouvre en s’écartant sur le premier mot pour que l’on puisse voir Damien.


Bernard : Bonjour, mon aaaaaaaaaaah !

Damien : Bonjour mon quoi ?

Bernard : Mais qu’est-ce que tu fous là ?!

Damien : Moi aussi, ça me fait plaisir de vous voir…

Bernard : Et d’abord, comment tu savais que j’étais là ?

Damien : Assez simplement… Je vous ai suivi. Je n’ai que ça à faire en ce moment, vous devez vous en doutez…

Bernard : Très bien, je suis content de t’avoir vu, maintenant, tu dégages !

Damien : C’est coquet, chez vous… Et la déco, c’est d’un discret !

Bernard : Merci pour le compliment, au revoir.

Damien : On sent tout de suite le bon goût derrière tout ça… L’homme qui vend des voitures de luxe réputées pour leur classe et leur esthétique, ça ressort…

Bernard : Tu te foutras de ma gueule un autre jour ! Là, ce n’est pas le moment !

Damien : Toute la finesse d’un homme doux et compréhensif…

Bernard : Ecoute, Damien, n’insiste pas, j’attends quelqu'un !


Il ouvre la porte pour que Damien sorte.


Damien : Je sais… Christine Mongeron…


Bernard referme brusquement la porte.


Bernard : Comment tu sais ça, toi ?

Damien : La femme de monsieur Mongeron, donc.

Bernard : Mais comment tu as su ça !

Damien : Celui qui s’occupe du service carrosserie à la concession…

Bernard : C’est du chantage, c’est ça ?

Damien : En tout cas, ce n’est pas votre femme…

Bernard : Qu’est-ce que tu veux ?

Damien : Un boulot…

Bernard : Damien, on en a déjà parlé, ce n’est pas possible.

Damien : M’sieur Mangin, s’il vous plaît… Je me suis bien donné pendant un mois et demi, non ?

Bernard : Ce n’est pas la question.

Damien : Vous avez même dit à mes profs que j’avais fait d’énormes progrès pendant mon stage. Je vais même peut-être avoir les félicitations !

Bernard : Tant mieux pour toi, Damien. Mais il te reste encore beaucoup à apprendre.

Damien : C’est bon, hein ! Vous savez bien que vous pouvez me former mieux que l’école, comme moi je sais que vous prenez des stagiaires parce que ça vous coûte peau d’balle ! Mais pour une fois… S’il vous plaît, m’sieur Mangin…

Bernard : On en a déjà parlé, Damien. Tu sais bien que je ne peux pas payer un employé de plus…

Damien : Je sais très bien que si !

Bernard : Bon, maintenant, ça suffit ! N’oublie pas que je t’ai tout appris et tu devrais me dire merci pour ça au lieu de venir m’emmerder !

Damien : Je sais… Vous m’avez appris qu’on disait pas « J’te jure, trop d’la balle la bagnole ! » mais « Cette voiture est une véritable petite merveille… » ; ou qu’on évitait les « Putain ! Tu va la prendre cette caisse ou merde ! Faut qu’j’en r’fourgue une avant ce soir, chier ! » mais « Il faut vous dépêcher, monsieur, c’est la dernière. Nous n’aurons plus de livraison avant un bon mois… »

Bernard : Mmmm… Je suis assez content de celle-là…

Damien : Mais vous m’avez aussi appris à ne pas me laisser faire, à ne laisser personne me marcher dessus… Et je ne voudrais pas avoir à vous montrer que j’ai bien retenu la leçon…

Bernard : Des menaces ?

Damien : La mise en pratique… Vous m’avez dit : « Si un concurrent devient pesant, pourris-lui la vie ! ». J’ai bien préparé mes devoirs, on peut aller assez loin…

Bernard : Tu deviens vulgaire, Damien. Sors, maintenant.

Damien : C’est votre dernier mot ?

Bernard : C’est ça, Jean-Pierre, c’est mon dernier mot, hop ! Du balai !

Damien : Bon… Je n’ai plus qu’à appeler mes parents pour leur dire que je ne suis pas pris…


Damien sort un portable pour appeler. Bernard pousse Damien vers la porte avant de réaliser et s’arrêter :


Bernard : Voilà, appelle, mais dehors ! Eh ! Mais c’est mon portable !

Damien : Ah ? C’était donc ça…

Bernard : Rends-moi ça !

Damien : Je me disais aussi qu’il ne ressemblait pas au mien… J’avais pensé à une mutation, voyez, une maladie défigurante du portable, mais votre explication me semble plus plausible…

Bernard : T’as pas appelé l’Australie juste pour me faire chier au moins ?

Damien : Et puis dans le répertoire, je ne reconnaissais pas les noms…

Bernard : Tu es allé dans mon répertoire ?

Damien : Poupoune, belle-mère… C’est ça qui m’a intrigué, moi : j’ai pas de belle-mère…

Bernard : C’est pas vrai ! Mais quel petit con !

Damien : Mais ne vous inquiétez pas, j’ai recopié les numéros pour vous rendre service.

Bernard : Quoi ?!

Damien : Comme ça, vous aurez une sauvegarde le jour où vous perdrez encore votre portable…

Bernard : T’as recopié les numéros ! Mais je vais t’étriper, moi !

Damien : Moi qui pensais que vous alliez me dire merci…

Bernard : Fous le camp, Damien ! Je ne veux plus jamais te revoir !

Damien : Vous pouvez toujours m’embaucher, il est encore temps…

Bernard : Si tu n’y va pas tout seul, je te vire à coups de pied au cul !


On frappe à la porte.


Damien : Trop tard…


2.



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