de Quatre Etoiles

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Nous sommes dans le hall d’entrée d’un hôtel qui a été un jour grandiose. Si peut-être on s’en aperçoit grâce au papier peint, aux tapis, à l’architecture ou à l’ambiance qui s’en dégage, il reste que le lieu s’est largement délabré. Le comptoir est simple, devant une porte qui mène à une sorte d’office ou à l’appartement de l’hôtelier. Comme dans les luxueux hôtels, une table est entourée d’un canapé rond de préférence ( j’aime bien ces sofas qui tournent, c’est rigolo… ) et de deux ou trois fauteuils ( plus ou moins ) assortis. Ça ne doit cependant pas prendre trop de place si la scène est petite. Une autre porte donne sur l’extérieur et enfin, une troisième porte donne vers le reste de l’hôtel. Il reste à placer une grosse horloge comtoise dont on ne voit pas le balancier. Ah ! Oui… Il y a aussi un tableau affreux près de la porte de l’office, un paysage ou un portrait, quelque chose ne devant pas représenter de lieu vraiment réel, de personne ayant pu exister, mais des choses fantasmatiques sans pour autant être abstraite. On est dans un monde à part, entre rêve et réalité, un pied de chaque côté…En tout cas, le tableau est très laid

Le tout ne s’harmonise que moyennement. On est dans un endroit sans temporalité ni repère géographique : quelque part entre l’Europe et Cuba, l’Inde ou le Mexique, à l’époque des pirates, de la grandeur d’une dictature quelconque, du Titanic… On est hors d’âge et hors de lieu connu. C’est surtout cette impression qui doit transpirer du décor.

La chambre des vacanciers et la salle à manger sont en tout point identique en décor à ce hall ( trois lieus et pas de changement de décors ! C’est pas génial ?)


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A l’ouverture du rideau, il y a déjà dans un coin un mendiant, un clochard, un fou ou un génie, on ne sait pas trop, un type bizarre. Il est habillé, là encore sans temporalité, entre le costume élimé du XVIII° siècle et l’habit reluisant des années 1930. Il tient à la main une petite boîte en carton dans laquelle il regarde avec attention, poussant peut-être parfois quelques petits cris. Peu de temps après, un couple entre. Eux sont parfaitement contemporains, bien habillés sans sembler trop riches. Ils entrent en découvrant les lieus, découvrent le savant fou, se resserrent, se regardent, un peu surpris. Un temps.


Mathilde : Dis… Tu es sûr qu’on ne s’est pas trompé ?

Jean : Mais non, c’est ici, j’en suis sûr. J’ai vérifié l’adresse quand on est descendu du taxi.

Mathilde : C’est… Ça ne ressemble pas trop à un hôtel quatre étoiles, quand même…

Jean : Oui, ben je sais pas, moi, c’est peut-être des étoiles locales…

Mathilde : Tu crois qu’il aurait laissé entrer quelqu'un comme ça dans un hôtel quatre étoiles ?

Jean : Bon, c’est pas moi qui les mets les étoiles, je sais pas, moi…


Jean va regarder s’il y a quelqu'un. Le savant fou s’approche de Mathilde.


Savant : Vous avez des pellicules ?

Mathilde : Jean…

Savant : Des pellicules ? Vous avez des pellicules ?

Mathilde : JEAN !!!


Jean revient.


Jean : C’est incroyable, il n’y a personne, ici ! Qu’est-ce que tu as, encore ?

Mathilde : Jean, le monsieur…

Savant : Vous avez des pellicules ?

Jean : Des pellicules ? Non, j’ai un appareil numérique…

Savant : Dans les cheveux ?

Jean : Mais qu’est-ce que ça veut dire !

Mathilde : Je suis sûre qu’on s’est trompé d’adresse !

Jean : Mais puisque je te dis que j’ai vérifié, c’est ici !

Savant : Je peux regarder ?


Le savant fou commence à fouiller dans les cheveux de Mathilde.


Mathilde : Jean !!!

Jean : Mais ça va pas, non ? Laissez-la ! Qu’est-ce que c’est que cet endroit ?


Le savant fou s’est écarté mais regarde toujours les cheveux de Mathilde.


Mathilde : Quand je te dis que c’est bizarre… Tu es sûr ? Pour l’adresse…

Jean : Quoi ? Quoi ? Tu veux vérifier ? Tu ne me fais pas confiance ? Là ! Là ! Regarde le papier ! C’est la même adresse, t’es contente ?

Mathilde : Tu… Tu t’es peut-être trompé en la recopiant…

Jean : C’est pas vrai, hein ! Quand t’as une idée, toi…


Le savant fou se rapproche de Mathilde.


Mathilde : Jean…

Jean : Mais vous avez fini, à la fin ? Non, on a pas de pellicule, on se lave les cheveux, nous, monsieur ! Tous les jours ! Avec de l’antipelliculaire ! Ça vous va, comme ça ?

Savant ( après un temps ) : Dommage…

Jean : Quoi, dommage ? Qu’on ait pas de pellicule ?

Savant : Oui… ( il s’en va, puis s’arrête, un temps, se retourne, un temps ) C’est pour une expérience…

Mathilde : Une expérience ?

Savant : Oui… ( il secoue sa boîte )

Jean : Prenez-en des vôtres, vous avez plein votre… votre veste, là.

Savant : Tiens… Oui… Je ne sais pas si…


Le savant fou prend quelque pellicule sur son épaule, les met dans la boîte et repart dans son coin.


Mathilde : Jean, ça m’inquiète…

Jean : Mais non, ce n’est rien, un original… On va voir ça avec le responsable. S’il y en a un qui vient un jour…

Mathilde : Tout de même…

Jean : Bon. Qu’est-ce que tu veux ? Qu’on rentre chez nous, c’est ça ? T’as vu le temps qu’il nous a fallu pour arriver ? Tu veux repartir parce qu’un autochtone nous aborde ? Mais il y en a partout, ici, des autochtones ! Il doit même y avoir que ça !

Mathilde : Non, mais tout de même… Ton frère nous avait assuré que c’était un quatre étoiles…

Jean : Mais c’est un quatre étoiles ! Tu les as pas vues à l’entrée ?

Mathilde : Si, mais…

Jean : Quoi ?

Mathilde : Elles étaient un peu sales…

Jean : Non, mais vraiment, toi, alors ! C’est pas parce qu’il y a deux trois salissures sur une étoile qu’elle est pas là, non ?

Mathilde : Evidemment… Mais…

Jean : Et il n’y a même pas une sonnette, ici, un truc pour appeler, un je sais pas, moi…


Jean va pour passer dans l’office quand le liftier entre brusquement, le faisant sursauter.


Liftier : On n’entre pas ici, monsieur.

Jean : Ah ! Oui, non, je… Pardon… Je…

Mathilde : Bonjour, on vient d’arriver et…

Jean : Voilà, comme on arrivait…

Mathilde : C’est parce qu’il n’y avait personne…

Jean : On cherchait quelqu'un et…

Liftier : On n’entre pas ici, monsieur !

Jean : D’accord, d’accord, j’ai compris…

Mathilde : C’est parce qu’il n’y avait pas de sonnette…

Jean : Voilà, c’est pour dire qu’on est arrivés, quoi…

Liftier : On n’entre pas ici, monsieur !

Jean : C’est tout ce qu’il sait dire, ma parole !

Mathilde : Jean, ne l’énerve pas.

Mathilde : On… Pourrait avoir notre clef ?

Liftier : Ce n’est pas moi qui m’occupe de ça, madame.

Jean : Ah. Très bien…

Mathilde : Et vous faîtes quoi, vous ?

Liftier : Je m’occupe des bagages, madame.

Jean : Eh ! Bien tu vois ? Une personne pour l’accueil, une pour les bagages… On est bien dans un quatre étoiles…

Mathilde : Bon, eh ! Ben, justement, demande-lui… Pour les bagages…

Jean : Ah ! Oui. Justement, les bagages…

Liftier : C’est de ça dont je m’occupe, monsieur.

Jean : Oui, bon, ben j’ai compris.

Mathilde : Le taxi n’a pas voulu nous les donner, il a dit…

Jean : Oui, il a dit qu’il attendait le liftier.

Liftier : C’est moi, monsieur.

Jean : Tant mieux, tant mieux !

Mathilde : Si vous pouviez…

Jean : Voilà… Aller les chercher.

Liftier : Je vais voir ce que je peux faire, monsieur…


Le liftier sort dans la rue.


Jean : Bon. Tu es rassurée ?

Mathilde : Non, pourquoi ?

Jean : Tu voulais un quatre étoiles ! Le voilà, enfin ! On va nous chercher nos bagages…

Mathilde : Il ne me plaît pas trop, ce… ce liftier…

Jean : Qu’est-ce qu’il y a encore !

Mathilde : Il n’y a pas d’ascenseur.

Jean : Ah ! Toi, je te jure ! Alors c’est un bagagiste, voilà, t’es contente ?

Mathilde : Il a dit qu’il était liftier…

Jean : Ah ! Yayayayaïe !


Un temps. Le savant se rapproche.


Savant : Et de la poudre de météorite ? Vous avez de la poudre de météorite ?

Mathilde : Jean…

Jean : Mais il va nous lâcher, lui ! On est pas le catalogue de la redoute, à la fin !


Le savant fou recule et retourne dans son coin.


Mathilde : Jean, ne t’énerves pas… C’est un autochtone, tu te souviens…

Jean : Oui, ben qu’il autochtone dans son coin !

Mathilde : Il ne revient pas…

Jean : Qui ?

Mathilde : Le liftier… Enfin, le bagagiste…

Jean : Tiens, oui…


Le fils entre, extraverti, ne tenant pas en place, quelques tics au visage, les mains qui tremblent.


Fils : Aha ! Aha ! Des nouveaux ! Des nouveaux ! Aha !

Mathilde : Jean ! Qu’est-ce que c’est ?

Jean : Mais je sais pas, moi…

Fils : Vous êtes des nouveaux, hein ? Aha ! Des nouveaux, des nouveaux ! Aha ! Aha !

Mathilde : Vous travaillez ici ?

Jean : Ne t’approche pas trop, Mathilde…

Fils : Oui ! Oui ! Je travaille ! Aha ! Aha ! Ici ! Je travaille !

Jean : Mais où est-ce qu’on est tombé !

Mathilde : Vous… C’est vous qui vous occupez des clefs ?

Jean : Mathilde, garde tes distances, je n’ai pas confiance…

Mathilde : On voudrait notre clef… Pour notre chambre…

Fils : Votre chambre ? Aha ! C’est pas moi qui fait ça ! Aha ! Aha ! C’est mon père ! Mon père ! Aha !

Jean : Et alors, vous faites quoi, vous ?

Fils : Moi ? Aha ! La cuisine ! Je fais la cuisine ! Je coupe ! Aha ! Aha ! La viande ! Avec des couteaux ! Des grands couteaux ! Aha ! J’aime bien, quand ça coupe ! Aha ! Aha ! La lame, elle s’enfonce ! Aha ! Dans la viande ! Aha !

Mathilde : Jean…

Jean : Vous… Vous pourriez pas aller chercher votre père, plutôt ?

Fils : Mon père ? ( Le fils se met à rire, un rire dément, forcé, effrayant, tout sauf naturel. )

Jean : Quoi ? J’ai dit quelque chose qui ne fallait pas ?

Fils : Non, non ! Aha ! Mon père ! Aha ! Ahahah !


Il sort brusquement.


Mathilde : Jean, j’ai peur.

Jean : Je t’accorde qu’il est un peu… Bizarre… Mais ce n’est pas une raison.

Mathilde : Je suis sûre qu’il a tué son père !

Jean : Il ne faut pas exagérer, non plus, on n’est pas dans Psychose…

Mathilde : J’en suis sûre ! Tu as vu le regard qu’il avait ? La façon dont il parlait de ses couteaux ? Jean, j’ai peur !

Jean : Mais non, mais non, je suis certain qu’il est bien gardé, hein ? Il… Il doit y avoir des gens qui le surveillent…

Mathilde : Et le bagagiste ? Tu crois qu’il l’a tué ?

Jean : Mais qu’est-ce qui te prend ! Il est dehors le bagagiste !

Mathilde : Il ne revient pas.

Jean : Il doit parler avec le taxi…

Mathilde : On ne met pas si longtemps pour descendre deux valises…

Jean : Bon.


Jean va sortir à la recherche du bagagiste quand celui-ci revient, le faisant sursauter.


Jean : Décidément…

Liftier : Monsieur, il y a un problème.

Mathilde : Je te l’avais dit !

Jean : Déjà, il est pas mort.

Mathilde : Tu parles d’une consolation… C’est quoi le problème ?

Jean : Ah ! Oui. Quel est le problème ?

Liftier : Le taxi, monsieur.

Jean : Voilà, le problème, c’est le taxi. Toujours un problème, les taxis…

Mathilde : Mais pourquoi c’est un problème ?

Jean : C’est vrai. En quoi, c’est un problème ?

Liftier : Il est parti se garer, monsieur.

Mathilde : Se garer, mais pourquoi il est parti se garer ?

Jean : Bon, mais je vois pas en quoi c’est un problème, ça… Il s’est garé où ?

Liftier : Sur le parking des taxis, monsieur.

Mathilde : Mais pourquoi il est allé se garer sur la parking des taxis ?

Jean : Mais parce que c’est là que ça se gare un taxi ! Tu voulais qu’il aille sur un parking de bus ? Là, là, j’te jure !

Mathilde : Non, mais… Pourquoi il est pas resté là, devant ?

Jean : Il a du en avoir marre, tu penses… A la vitesse à laquelle ils vont, ici…

Liftier : Il faut que vous veniez avec moi, monsieur.

Mathilde : Jean ! Tu ne vas pas me laisser ici !

Jean : Mais pourquoi je dois venir avec vous ?

Liftier : Parce que je ne sais pas quel est votre taxi, monsieur. Je ne peux pas tous aller les voir, monsieur…

Jean : Oui, bien sûr…

Mathilde : Jean ! Tu ne vas pas me laisser toute seule ici !

Liftier : Vous DEVEZ venir, monsieur !

Jean : Je vais venir avec vous, ça va, calmez-vous…

Mathilde : Jean…

Liftier : Maintenant, monsieur !

Jean : Oui, oui, j’arrive… C’est bon, Mathilde, tu n’as rien à craindre… Juste une minute…

Liftier : MAINTENANT ! Monsieur.

Jean : Oui, oui, voilà, voilà…



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